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Sans compréhension critique du passé, et de l’histoire qui s’écrit, il n’y a pas d’avenir ouvert
Un titre qui entre en résonance et de manière permanente avec l’actualité… Alors, une biennale de la mémoire, pourquoi faire ?
Depuis plusieurs décennies, le travail de mémoire et d’histoire fait l’objet d’initiatives démocratiques et citoyennes en France, et particulièrement en région Île-de-France. Ces actions souvent locales, sont portées par des associations, des artistes ou des collectifs d’habitants, des chercheurs… avec comme souci majeur de préserver, de collecter, de rendre visible et de valoriser différents aspects des histoires et des mémoires souvent oubliées ou peu connues du grand public. Comment ces initiatives très diverses (dans leurs formes, dans les disciplines artistiques qu’elles explorent, dans leurs contenus voire leurs échelles géographiques) rentrent-elles en résonance avec les grands débats de la société d’aujourd’hui ?
Le Réseau Mémoires-Histoires en Île-de-France (créé en mars 2010) – qui regroupe plus de 40 acteurs associatifs et culturels – investit le champ de la mémoire et de l’histoire sociale et culturelle en déclinant de manière transversale et transdisciplinaire les thématiques des questions urbaines et des quartiers populaires, des migrations, du monde du travail et du monde ouvrier, et en articulant l’approche mémorielle et historique. Cette démarche – rappelons-le – répond à un enjeu scientifique, culturel et pédagogique et interpelle le champ politique, et comme l’indiquait Jean Hurstel (ancien Président de Banlieues d’Europe) lors de la biennale 2013 : « le travail de mémoire, investi d’une dimension politique fondamentale, interroge ainsi les valeurs et les représentations de notre société ».
Les dynamiques en cours engagées par les acteurs associatifs et culturels en matière de travail de mémoire et d’histoire souffrent cependant et encore d’une faible médiatisation. Leur démarche – connectée au terrain et non « hors sol » – est basée sur une mutualisation et un décloisonnement des pratiques. Les travaux scientifiques restent également inaudibles du grand public. Il importe donc de de démocratiser la connaissance scientifique dans une démarche novatrice et créative en ayant plus souvent recours au monde associatif et culturel, pour reprendre les termes de l’historien Gérard Noiriel.
Cette troisième édition du Printemps de la mémoire – qui se tiendra du 8 mars au 16 avril 2016 – est une biennale thématique construite en lien avec les acteurs de terrain, les institutions et les collectivités, et à destination du grand public. Cet événement majeur vise à donner une plus grande visibilité aux projets mémoriels afin de valoriser les mémoires collectives et singulières dans différents territoires franciliens, tout en offrant un véritable parcours éducatif et culturel sur différents sites : Paris, Aubervilliers, Ivry-sur-Seine, Saint-Denis, Malakoff, Montreuil, Arcueil, Aulnay-sous-Bois, etc.
Cette édition se décline sur quatre grands axes thématiques avec pour fil conducteur les enjeux de transmission : Mémoires du travail, Grand Paris, Lieux de mémoire et Frontières ainsi que d’autres temps forts et événements. Elle offre une programmation toujours riche de rencontres-débats, projections de films, expositions, spectacle vivant… Une soixantaine d’initiatives et d’événements nourrit toute une programmation diversifiée et cohérente, autour de temps communs et partagés, organisés par les coordinations et les acteurs du Réseau et leurs partenaires qui répondent toujours présents.
Points de repère du programme du Printemps de la mémoire 2016.
Transmettre au public, et notamment aux plus jeunes, un regard critique sur l’histoire du travail, des luttes ouvrières et sociales autour de valeurs de partage, de solidarité, et d’égalité : avec des focus sur l’émancipation
et les mouvements de résistance des femmes, la longue marche du salariat, et en particulier du salariat migrant sur le marché du travail, et les mobilisations et engagements militants et politiques…
Mettre en valeur d’autres conceptions, et les
projets alternatifs qui se construisent en contrepoint du Grand Paris, portant le vécu et la mémoire des habitants d’Île-de-France. Actions artistiques et poétiques, citoyennes et politiques, pédagogiques et participatives, un Grand Paris à construire « avec nous », et pas « sans nous » !
La notion de « lieux de mémoire », quant à elle, n’est pas sans soulever plusieurs interrogations et controverses sur les usages, et les enjeux politiques et idéologiques des acteurs, collectifs et groupes qui l’investissent : lieux de mémoire ouvrière, de la résistance, « lieux » et transmission de la mémoire de l’esclavage… micro-quartiers et quartiers populaires en transformation.
Le thème des frontières est également omniprésent dans nos sociétés. Frontières qui délimitent territoires et états-nations, mais aussi qui divisent, qui mettent à distance « l’ennemi » ou l’étranger, frontières qui fabriquent un Autre culturellement incompatible…
Comment intervenir sur ces représentations agissantes et les déconstruire par une démarche sensible et critique ?
D’autres temps forts et événements ponctuent la programmation. Cette biennale se distingue, enfin et particulièrement, avec le 12 mars à Paris, une journée inaugurale, « T Trous de mémoire » : les politiques de la mémoire en question(s), en croisant les approches du monde de la recherche avec les nombreuses et diverses actions menées par des acteurs associatifs, culturels et éducatifs. Et en effet, sans compréhension critique du passé, il n’y a pas d’avenir ouvert.
Autres points d’orgue du programme : l’exposition « Chocolat, sur les traces d’un artiste sans nom » du Collectif Daja à la médiathèque Marguerite Duras (du 9 mars au 24 avril) et la rencontre « Patrimoines : que faire de l’injonction à la participation ? » en partenariat avec le Service Patrimoines et inventaire de la Région Île-de-France, le 30 mars à la Briqueterie.
Cette biennale rend compte des dynamiques menées par d’autres réseaux mémoires-histoires en régions, en témoigne la création récente de l’Inter-réseaux Mémoires-Histoires, le 17 octobre 2015. L’émergence d’une dynamique nationale portée par les acteurs de la société civile sur ces questions relève de l’intérêt général, et ne peut que renforcer les termes de l’intervention publique.
Ces dynamiques se nourrissent aussi de l’énergie constante de femmes et d’hommes engagés, comme ce grand nom de la photographie sociale et documentaire, Brahim Chanchabi qui vient de nous quitter le 5 janvier 2015, et auquel nous rendons hommage et dédions ce Printemps de la mémoire.
Mohammed OUaddane (Délégué général),
Réseau Mémoires-Histoires en Île-de-France,
Coordination générale du Printemps de la Mémoire.